Où est BALUM ? |
Cinquième bouteille à la mer - Le grand saut vers le Cap Vert - 22 novembre 2003 |
Sixième bouteille à la mer - La traversée de l'Atlantique du 28/11 au 18/12 - 26 décembre 2003 |
Cinquième bouteille à la mer : le grand saut vers le Cap VertMon passage sur l'île
de Gran Canaria sera de courte durée, j'y suis venu
pour retrouver les copains, et faire un départ plus ou moins
groupé vers le Cap Vert. Après quelques hésitations
que je relatais dans l'épisode précédent, j'ai
finalement une place impeccable dans le port, je vais pouvoir tranquillement
préparer le bateau pour la suite. La vie de ponton
continue,
et pour l'apéro, tout le monde boit des "caïpirinhas",
des punchs brésiliens absolument délicieux, mais du
modèle "frappe qu'un coup" ! Un soir dans un petit resto à l'écart des circuits
touristiques, je mange un "T-bone steack" garanti argentin
absolument fondant, pas de doute, l'Amérique approche. L'archipel du Cap Vert, c'est une dizaine d'îles au large de l'Afrique, à environ 300 milles nautiques de Dakar, et 800 milles des Canaries. C'est une ancienne colonie portugaise, indépendante depuis une trentaine d'années. C'est l'Afrique, nous quittons l'Europe et ses ports bien équipés. On arrive dans une zone où chaque plaisancier est milliardaire en comparaison des autochtones. J'imagine que ça ne sera pas toujours simple à vivre. Je suis parti depuis
2 jours, et la météo n'est pas très conciliante
: je fais du près serré, ou bien c'est la pétole,
ou bien encore j'ai eu une heure avec 20-25 noeuds de vent la nuit
dernière vers deux heures du mat', suivie d'une petite averse...
Bon, je ne me plains pas, il fait beau, je lis. Après "Les
allumettes suédoises" et "3 sucettes à la
menthe", j'attaque "Les noisettes sauvages". Encore une nuit somptueuse.
La nuit en mer, vous le savez, l'eau est pleine de phosphorescences,
même en Bretagne, mais si, mais si. Ici, ça prend des
proportions tropicales : par moments, autour du bateau, il y a des
explosions de lumière, des boules verdâtres de 50 centimètres
de diamètre qui s'éteignent au bout de quelques secondes.
Je me mets à l'arrière de Balum et j'éclaire
avec une torche puissante : je vois sous l'eau à plusieurs
mètres de profondeur et le spectacle est irréel :
on dirait une masse de gelée transparente avec des flocons
fluorescents gros comme des oranges en suspension. Plus tard, dans
la nuit noire, des dauphins viennent tourner autour de Balum, je
vois leur silhouette dessinée par la phosphorescence du plancton,
des torpilles lumineuses, et leur sillage me fait penser aux petites
étoiles qui accompagnent la fée Clochette dans Peter
Pan. Pour ceux qui ont vu le fim "Abyss", on s'y croirait. Le mardi 28 octobre
2003, vers 18 heures, je passe le tropique du Cancer, latitude 23°
27' ! Le dernier jour,
le vent baisse un peu, pas assez à mon goût, force
5 avec rafales à 6. Petits calculs à la table à
cartes, je vais arriver à l'île de Sal en pleine nuit,
il faut que je freine. Je réduis la grand'voile au maximum,
2 ris, et je roule complètement le génois. Je vais
encore à 5-6 nœuds. Trop vite. Je descends complètement
la grand'voile, et je mets le génois au dernier ris, taille
voile de planche à voile. Je vais encore à 4-5 nœuds.
J'enroule la moitié de ma voile de planche, et enfin la vitesse
tombe entre 3 et 4 nœuds. Il reste bien sûr les houles croisées
des 2 jours précédents, et comme le bateau n'est plus
appuyé sur un bord par une grande surface de voile, je me
fais rouler dans tous les sens toute la dernière nuit... Je m'arrange pour
arriver vers 9 heures du matin à Sal ; temps bouché,
vent force 5-6, j'espère que les copains sont là.
Et tout à coup, la VHF me parle : c'est Christine, de Chrysalide,
qui m'accueille, et puis Britta qui me souhaite bienvenue en Afrique
! Et puis Eric qui me guide pour arriver au mouillage sans encombre.
Loïc m'attend à l'entrée du port, 20 nœuds de
vent, avec son annexe, il embarque, et il va m'aider à mettre
l'ancre : on s'y reprend à 3 fois, mais ça y est,
c'est fini ! Le bateau ne bouge plus. Merci les copains, merci,
mais j'en ai marre...
Je suis dans le
port de Palmeira, sur l'île de Sal, un petit port plus ou moins protégé par
une digue où accostent des petits cargos. L'alizé
souffle, mais la mer est plate. Le mouillage est tranquille, une
quarantaine de voiliers sont là. La descente s'est
passée de façons variées pour les autres. Samos
a fait une belle étape, Michel et Bibi sont ravis, et les
enfants aussi. Chrysalide n'a pas eu de problème, mais Hobbit
a cassé une pièce maîtresse du moteur, l'inverseur,
et ça bien sûr en pleine pétole. Hobbit est
un bateau lourd, pas fait pour le petit temps, il a plus besoin
de moteur qu'un autre. Et puis un moteur, c'est une sécurité,
pour éviter un cargo, pour les arrivées dans les ports.
Hobbit a été très bien préparé,
Loïc est minutieux, et il a de grosses compétences en
voile, en mécanique... 2 jours de repos au calme, et ça va commencer à aller mieux. Le frère de Bibi vient sur Samos vers le 25 novembre pour traverser l'Atlantique, nous allons essayer de lui faire apporter la corde et l'hélice. Michel me passe une bouée-fer à cheval qu'il avait en trop. J'affale le génois, Loïc me passe de la toile à voile, j'ai des travaux de couture pour les jours à venir ! Et puis en fait, ce n'est qu'un petit accroc. Le moral revient. Nous filons à
l'aéroport avec Michel : la douane est là-bas, nous
prenons un taxi collectif, un taxi "aluguer", une camionnette
avec 2 bancs sur le plateau à l'arrière. C'est pas
cher et c'est aéré ! C'est une première pour
moi, il faut obtenir la "clearance" pour Balum, le permis
d'entrer dans les eaux du Cap Vert, il faudra passer dans chaque
île de l'archipel voir la police maritime, et à la
fin, il faudra obtenir la clearance de sortie. Le plaisir de la
paperasse... Les capverdiens sont
gentils, accueillants, discrets. Une belle race ! Ils ont un petit
côté brésilien, métissés d'Afrique
et de Portugal, et le mélange est tout à fait intéressant.
Les gamines de 12 ans roulent du popotin de façon très
naturelle, sapées comme des minettes, nombril à
l'air, leurs grandes sœurs sont souvent très belles, beau
corps, belle peau, et les garçons sont plutôt beaux
mecs, donnant dans le look banlieue ou rasta, c'est selon.
La vie s'organise
au mouillage : bouffes sur Samos, sur Hobbit. La nuit tombe très
vite sous les tropiques, à 7 heures il fait nuit noire, alors
les retours à bord avec l'annexe se font dans l'obscurité.
Notre mouillage est
venteux, parfois trop, et tout le monde craint de voir son ancre
déraper ; un bateau essaie de se mettre entre la plage et
Balum, son moteur est capricieux, il rate son mouillage, son ancre
croche la chaîne de Balum, il remonte tout en même temps
! Heureusement Balum a une ancre de luxe, elle ne se décroche
pas : ouf ! On va se balader
de temps en temps en taxi aluguer à Espargos, le gros bourg
de l'île, et là-bas il y a un cybercafé très
fréquenté, et bien équipé. Il y a 2
ou 3 supermarchés, des boutiques, des bazars. Les maisons
sont petites, rarement avec un ou deux étages, tout ça
est assez propre, mais ça ne respire pas l'opulence. Ici,
quand on achète des cigarettes, on les achète à
l'unité. J'ai vu un gamin se faire servir 3 cuillères
de lait en poudre dans un pot de yaourt vide, le tout pesé
sur la balance de l'épicerie... Trop de vent. Et
ça démarre dans la nuit, une grande houle qui rentre
dans le port, 1m50 de hauteur au moins, et ça déferle
pas très loin des bateaux les plus exposés ; les gros
bateaux sont chahutés comme des petits dériveurs,
Chrysalide, Hobbit et Samos passent une nuit à peu près
blanche. Balum est épargné car il est au fond du port,
plus protégé ; ça va mettre 2 jours à
se calmer. A l'est du port, on se demande si une déferlante
ne va pas s'écrouler sur un bateau. Avec Samos, on décide
de rester encore un peu, histoire de tenir compagnie à Loïc
et Britta. Temps un peu moche, trop de vent. La pièce est
arrivée. Britta va passer une journée à parlementer
avec le service des colis à l'aéroport, la douane,
elle va utiliser les services d'un commissaire aux douanes pour
dédouaner son paquet... Pourquoi faire simple quand on peut
faire compliqué ? Samedi 15 novembre,
8 heures du mat', départ pour Boavista : je pars avec Clément, et Samos nous suit. On se lève
tôt le lendemain matin, pour partir à 8 heures
sur l'île. Je suis un peu à la bourre, et quand je
suis prêt, c'est le démarreur du moteur de l'annexe
de Michel qui lui joue des tours. On voulait partir tôt quand
le vent n'est pas encore levé, et finalement, on sera trempé
par les embruns, le vent et le clapot se sont levés ! Nous aurons passé
environ 24 heures à Boavista, l'île est belle mais
le mouillage ne nous semble pas assez sûr, nous avons décidé
de partir dès ce soir
pour l'île de Sao Nicolau,
une île plus à l'ouest. Je remonte mon ancre, il y
a 20 nœuds de vent, mais ça va. Samos a un guindeau électrique,
mais il a un problème de fusible, et il finit par remonter
son ancre à la main. Sao Nicolau est une
île très montagneuse ; on est sous le vent de l'île,
mais des rafales descendent des vallées, et la baie est parfois
agitée. Il y a là une dizaine de voiliers, dont
certains qu'on connaît déjà. Le village de Tarafal
est un peu plus "cossu" que l'île de Sal, mais le
niveau de vie des gens reste très modeste. On retrouve
au port Chrysalide et Hobbit, et ce soir c'est apéro à
bord de Samos. Grandes discussions sur la pauvreté : Britta
et Christine sont impressionnées, choquées par ce
qu'elles ont vu à Carraçal : ce village est un peu
oublié au bout de l'île, il n'y a qu'une piste qui
y conduit, et c'est la misère. Les gamins dans la rue ont
les jambes couvertes de plaies pas soignées, les vieilles
femmes tendent la main dès qu'un touriste apparaît.
Que viennent faire là des touristes avec leurs yachts de
milliardaires ? Le Cap Vert est-il vraiment un lieu où on
peut faire du tourisme ? D'un autre côté, on y laisse
un peu de notre argent, et on rapporte notre témoignage... Dernière soirée ici : rencontre de l'équipage de Lou Virus, un bateau que j'ai déjà croisé aux Canaries, mais on s'était juste dit bonjour. Un couple avec leurs 3 filles, tous les deux sont enseignants, et ils ont pris un congé d'une année, peut-être deux pour élever leurs enfants. Finalement je pensais voir pas mal d'enseignants sur l'eau, mais non, ce n'est pas si courant. Jeudi 20 novembre, tout le monde quitte Sao Nicolau. Balum et Samos partent vers Mindelo, sur l'île de Sao Vicente : le frère de Bibi y arrive en avion dans quelques jours. Hobbit et Chrysalide vont faire une halte de 2 jours sur Santa Luzia, une île déserte à mi-chemin. Nous partons à 6 heures du mat' avec Samos, temps magnifique et bon vent, 20-25 noeuds. La visibilité est formidable, on voit les îles à 40 ou 50 milles. Ce sont des îles hautes, mais quand même : il y a quelques jours, j'ai vu apparaître la côte de Boavista à 2 milles devant l'étrave, le soleil brillait, mais il y avait cette brume qu'apporte l'Harmattan, le vent du désert. Michel va voir un beau requin de 3 mètres passer à côté de Samos. Pas de poissons volants, mais je vais croiser des pêcheurs sur une petite barque en bois en pleine mer, dansant sur les vagues. Je vais les revoir une heure plus tard, ils ont hissé une voile qui a l'air faite de bouts de chiffons raccommodés, et ils filent ! Grands bonjours. L'arrivée à Mindelo va être musclée : 30 noeuds de vent, force 7 ! Et tout ça dans le port : pas de houle, il est très abrité, mais les rafales descendent de la montagne. Et il va falloir que je mouille l'ancre seul... Premier essai raté, évidemment, il faut que je remonte l'ancre. Le deuxième essai va être le bon, mais le reste de l'après-midi, je vais rester à surveiller le GPS : dérape-t-y, dérape-t-y pas ? Finalement, je ne bouge plus... Nuit calme, tout va bien. Beaucoup de bateaux
français, ici, et un bon nombre qu'on a déjà
croisés. Je vais saluer le catamaran Ilot, vu à Sal,
et il nous explique le cirque des gardiens d'annexes ici. Ce ne
sont plus des gamins, ce sont des adultes qui organisent ce trafic,
qui est à la tête du client : un bateau paie 12 euros
par jour pour qu'on lui garde son annexe sur la plage, un autre
paie 8 euros pour 15 jours... Et comme partout, dans les guides,
on dit que Mindelo n'est pas sûr, qu'il ne faut pas laisser
son bateau seul la nuit, du coup on n'ose pas trop discuter ! Mais
ce sont sans doute les mêmes qui gardent les annexes et qui
les volent ! La police maritime m'a fait lire soigneusement un papier
qui précise qu'il faut faire surveiller son bateau ; "
toutes les conséquences et tous les risques pouvant résulter
de l'inobservation de cette mesure incomberaient aux plaisanciers". Ca y est, Merlin est parti dimanche, Chrysalide est parti lundi, départ émouvant ; Olivier, le frère de Bibi, est arrivé lundi soir et ses 40 ou 50 kilos de bagages sont arrivés 24 heures plus tard ; il apporte entre autres choses essentielles les cours du CNED des enfants de Samos et mon hélice. Il est bronzé comme un parisien en novembre, plus ou moins débutant en voile, mais confiant. Comme d'hab', apéros sur les bateaux pour fêter le départ prochain ; tout à l'heure, je vais sur "Marines", le grand ketch croisé à Madère et revu à Lanzarote, sur lequel naviguait le père d'Armelle. On a encore un problème : l'usine de dessalinisation est en panne, Mindelo n'a pas d'eau : on attend. Un gardien d'annexe, Manuel, va nous en trouver, il nous apporte 200 litres, de quoi compléter les réservoirs de Samos et Balum. Chez un "barbeiro", je me suis fait tailler les cheveux, la barbe et les "bigodes" - les moustaches ! Je suis prêt. Derniers jours du
côté africain de la Grande Mare, avant de tenter d'atteindre
le bord occidental du monde. C'est un vieux rêve démarré
sur un Mélody au large de Concarneau, durant l'été
1979. On était 9 sur ce voilier, et Michel, qu'on appelait
Quill à l'époque, était notre skipper. Je ne
savais même pas qu'on n'avait pas le droit de dire "ficelle"
sur un bateau, mais qu'il fallait dire drisse, amarre, aussière,
au pire bout'... Pendant cette croisière, j'avais passé
mon temps dans le carré à lire le Cours de Navigation
des Glénans, et ça avait été comme une
révélation. Conclusion provisoire ? Eh bien, j'espère que je pourrai encore dire, une fois arrivé à la Barbade, que... C'est pas mal une année sabbatique ! à Mindelo, à bord de Balum, le 26 novembre 2003 Musique : Sinéad
O'Connor / Sean-Nos Nua |
Sixième bouteille à la mer : Cap à l'ouest vers le Nouveau Monde Un dernier pot à bord de Hobbit, avec les équipages de Samos et Lou Virus, dernières courses pour dépenser mes escudos capverdiens, du beurre en boîte de conserve - très bon - des tomates, des pommes. Je paie mon dû à mon gardien d'annexe, Kobi, un ghanéen qui doit avoir dans les 18 ans. Encore un qui est arrivé au Cap Vert pour fuir son pays, mais le Cap Vert n'est pas beaucoup mieux : pas de travail. C'est le 4ème ou 5ème qui me demande de faire la traversée vers les Antilles sur Balum. Je leur réponds que mon bateau est trop petit, ce qui les laisse perplexes : ils partiraient bien à 15 sur un tel bateau. Non, je me vois mal traverser avec des inconnus, 3 semaines de cohabitation sur un aussi petit espace, ça demande de bien se connaître ; et puis je me vois mal arriver avec un sans-papiers sur ces îles où les douaniers ont la réputation d'être tatillons - et ne parlons pas des Coast Guards américains qui patrouillent dans les Caraïbes... Je souhaite "good luck" à Kobi, c'est un gentil garçon. Je quitte le Cap
Vert avec l'impression d'être passé ici trop vite :
comme beaucoup de navigateurs, j'avais plein d'a priori avant d'arriver
ici ; les guides de navigation expliquent gravement qu'il n'y a
pas d'eau, que c'est très difficile de faire ses courses,
que les gardiens d'annexes sont une vraie plaie... Et puis
quelques semaines plus tard, je me rends compte qu'on trouve de
l'eau, il suffit d'avoir des bidons et une annexe, qu'on peut faire
des courses si on n'est pas absolument attaché à ses
marques de conserves... Et puis les gardiens d'annexe, c'est encore
de ces petits métiers comme savent en inventer les pays pauvres,
il faut apprendre à faire avec.
Nous partons ensemble
avec Samos, en faisant le tour du mouillage : nous saluons Hobbit,
C'est la vie, Funambule, Lou Virus. Adieux toujours émouvants,
cornes de brume, et puis cette fois-ci je pars pour 15 à
20 jours de mer : le grand saut. 2ème jour
: au petit matin, je vois encore Samos devant moi, on se parle à
la VHF. Mer agitée, mais bon vent. 103 milles à 13H30.
La bordure du génois se découd : séance couture
sans pouvoir affaler la voile, un peu acrobatique... 3ème jour
: belle nuit, mais le génois continue à se découdre.
Pendant 3 jours je vais avoir mes 2 ou 3 heures quotidiennes de
couture, avec l'aiguille triangulaire et la paumelle. 4ème jour
: le vent est de secteur est, mais il tourne en fait du sud-est
au nord-est, ce qui m'oblige à des manoeuvres assez fréquentes,
puisque je fais cap à l'ouest : il faut empanner ! 5ème jour
: nuit un peu trop noire à mon goût, mais on va vers
la pleine lune. Le vent est un peu monté, au matin, il y
a des pointes de vent à 25 noeuds, et Balum fait des pointes
à 10 noeuds. 6ème jour
: mer un peu inconfortable cette nuit, un peu cahoteuse. J'ai arrêté
depuis le 2ème jour de mettre le réveil la nuit ;
je dors, et puis 4 ou 5 fois dans la nuit, je vais faire un tour
sur le pont. Si le vent tourne ou forcit, je me réveille,
et je vais régler les voiles si nécessaire. Parfois
je serai réveillé par des empannages intempestifs
heureusement modérés par le frein de bôme. 7ème jour
: les journées deviennent parfaites ! Vent de 15 noeuds,
pas de houle, beau temps, le bonheur ! 8ème jour
: la pétole ! depuis hier après-midi, le vent a faibli,
mais il est toujours dans la bonne direction, j'avance à
2 noeuds, 3 noeuds. 9ème jour
: cette nuit, première averse tropicale, je suis réveillé
par les gouttes de pluies qui me mouillent les pieds par un hublot
resté ouvert. Manoeuvre sous la pluie en pleine nuit, le
vent a tourné, mais la pluie est tiède. 10ème jour
: un grain cette nuit ; je me lève je réduis la toile,
puis très vite le vent tombe complètement ! Le vent
va rester pas très fort, et tournicotant. 11ème jour
: vers minuit, on a dépassé les 1000 milles, la moitié
du trajet ! 12ème jour
: le vent est toujours tranquille. Ce matin j'ai vu mon premier
paille-en-queue ! 13ème jour
: je change d'heure, je passe en TU - 2, ça va mieux correspondre
à l'heure solaire (en fait il faut que j'enlève une
heure tous les 15 degrés de longitude). 14ème
jour : la pétole, toujours la pétole... Mais je ne
me plains pas, la vie est douce à bord du bateau, je lis,
je bricole sur mon ordinateur, je regarde la mer, je guette les
dauphins et les globicéphales, qui sont très intrigués
par mon hydro-générateur. 15ème jour
: nuit tranquille, vent entre 6 et 9 neuds, Balum avance à
3 noeuds. 16ème jour
: nuit fatigante : le vent n'est pas très fort, mais il est
pile sur l'arrière, et comme il y a un peu de vagues, le
bateau roule, et il y a eu plusieurs empannages intempestifs : réveils
un peu brutaux, manoeuvres, sommeil en pointillés... 17ème jour
: à nouveau une nuit agitée à partir de 4 heures
du matin. Mais le bateau marche bien. Ce matin à 8h30, nous
avons fait 1500 milles depuis Mindelo. 116 milles en 24 heures. 18ème jour : nuit impeccable ! Le bateau marche fort, des pointes à 7 noeuds, le vent est stable. 118 milles en 24 heures. 19ème jour
: cette nuit, ça a soufflé à plus de 25 noeuds,
puis ça s'est calmé, mais il y a eu quelques petites
averses en fin de nuit. 20ème jour
: la nuit a été robuste ! Il y a eu des pointes
de vent à 30 noeuds, et les vagues sont assez désordonnées,
j'ai fini par descendre entièrement la grand voile, en laissant
le génois tangonné, un peu roulé. Je n'ai pas
beaucoup dormi. 21ème jour
: Je vais arriver trop vite, je ne veux pas arriver à la
Barbade en pleine nuit. Je roule encore un peu le génois
pour ralentir. Persévérance
est mouillé tout près. Antoine me rejoint en annexe,
et il m'apprend qu'il faut aller faire les formalités d'arrivée,
la "clearance", au port de commerce avec le voilier !
Il m'aide à la manoeuvre, on remonte l'ancre, et on y va. Il y a aussi au mouillage
Merlin et Pen Kalett, et les jours qui viennent vont être
très agréables. Les barbadiens sont
adorables : ici, il y a un vieux fonds de culture coloniale anglaise,
les dames ont des chapeaux de paille avec des fleurs artificielles,
des robes en cotonnades fleuries, mais il y a aussi la culture jamaïcaine
qui est très présente, les "dreadlocks"
des rastas, et puis la musique, le reggae ! Tout ça fait
un mélange extrêmement sympathique, et nous sommes
très vite séduits par l'accueil et la prévenance
des gens. Il suffit qu'on ait l'air de chercher quelque chose pour
que quelqu'un nous aborde et nous propose son aide. C'est
un vrai plaisir de traîner en ville, tout le monde est souriant.
Le niveau de vie est relativement élevé ici, pas de
misère, même si l'île est assez surpeuplée
: les maisons de bois sont minuscules, mais bien entretenues. Décorations
de Noël partout, et puis des fleurs, des bananiers, des arbres
à pain (oui, ceux qui ont été rapportés
par le Captain Bligh, celui de la Bounty !). Avec Brigitte et
Antoine, nous allons visiter une grotte au centre de l'île,
pleine de stalactites et stalagmites : l'île est un plateau
corallien qui s'est soulevé, c'est la seule île des
Antilles qui n'est pas volcanique. Après, nous allons manger
au bord de l'eau, à Bathsheba, le grand centre de pêche
au poisson volant ! Les poissons volants, ça se pêche
comme les papillons, avec un filet à papillons ! Tous les
soirs, un petit bateau passe au milieu du mouillage, lampes allumées,
et le patron attrape au vol les exocets. Très bon, grillé...
Petites bouffes chez l'un, chez l'autre, la vie au mouillage est toujours très conviviale. On copine beaucoup avec Merlin : Christophe, Isabelle, et leurs fils Xavier et Stéphane, et avec Penn Kalet : Pierre, Marie-Noëlle, et leurs 2 fils Léo et Tom ; ils viennent de la presqu'île de Rhuys. Les discussions entre marins voyageurs sont souvent très enthousiastes. On a envie de dire et de redire qu'on est heureux d'être là, c'est une coupure dans une vie, enfin on a le temps de profiter les uns des autres. Pour les enfants, l'école et les copains manquent parfois, mais par contre ils ont leurs parents à plein temps. Et moi, de mon côté, j'ai l'impression d'avoir enfin décompressé, j'arrive à ne rien faire, je me sens par moments complètement tranquille, serein, décontracté, je regarde le coucher de soleil et je souris béatement comme si ça ne m'était pas arrivé depuis des années. Zen... Je vais découvrir une spécialité tropicale sous mon bateau : les anatifes ! La coque de Balum était à peu près propre en partant du Cap Vert, 3 semaines plus tard, elle est couverte d'anatifes, ces petits mollusques qui ressemblent à des pouce-pied, des "percebes" en portugais, des petits pédoncules de 2 ou 3 centimètres de longueur terminés par une espèce de bec corné. On imagine que ça ne doit pas être très hydrodynamique, tout ça... Je plonge, je gratte... A 300 mètres de nos voiliers, il y a une attraction formidable, 2 cargos coulés près de la plage dans une dizaine de mètres d'eau. Ils ont été mis là exprès pour le plaisir de la plongée, et c'est très réussi. Il y a des milliers de poissons multicolores, des langoustes dans des recoins inaccessibles, et nous. On y va avec des bouts de pain ou des biscottes, et les poissons viennent nous mordre les doigts quand la tranche est finie ! Noël arrive : j'ai beaucoup de peine à le réaliser, cette époque est tellement associée pour nous au froid, aux gros pulls... Nous décidons de passer la nuit de Noël sur la plage : nous récupérons un ½ tonneau, une grille, les enfants récupèrent plein de bois sur la plage, des palettes pour faire des tables, et nous nous retrouvons à 25 ou 30, avec 4 autres bateaux français, pour une veillée de Noël très tropicale. Poulets et saucisses grillés, salades en tous genres, et pendant ce temps, les enfants font des parties déchaînées de ballon prisonnier dans le noir, et des concours de châteaux de sable. Demain ou après-demain, je pars vers la Martinique avec Persévérance. Nous avons des envies de marina ! Et puis il va falloir prendre rendez-vous pour refaire le carénage de Balum, et réviser le moteur, le démarreur me joue parfois des tours. On se dit avec Antoine et Brigitte qu'on ira passer le réveillon de Nouvel An à Fort-de-France.
J'étais parti pour traverser l'Atlantique, ça y est c'est fait ! Mais je me dis que le programme de la suite s'annonce bien. Chaleur, cocotiers, eau tiède et fonds de corail, ça pourrait être pire. Vous savez quoi ? C'est pas mal une année sabbatique ! à la Barbade,
à bord de Balum Musique Neil Young - Harvest
|